L’otite chronique de l’enfant comprend diverses pathologies qui affectent l’oreille moyenne, allant de l’otite séreuse jusqu’au cholestéatome. L’oreille moyenne (OM) est représentée par un ensemble de cavités : caisse du tympan, antre et mastoïde qui communiquent entre elles et sont normalement remplies d’air. Elles sont situées derrière le tympan, la caisse du tympan contenant les osselets : marteau, enclume, étrier. En l’absence d’ouverture de ce tympan (perforation ou… diabolo), la seule communication entre ces cavités et le milieu extérieur se fait par le nez via cette fameuse trompe d’Eustache.

C’est la mauvaise perméabilité de cette trompe d’Eustache qui est responsable pour l’essentiel de l’otite chronique. En effet, la muqueuse qui tapisse les cavités de l’OM, par son fonctionnement normal consomme de l’air. Il s’installe une légère dépression dans l’OM au fil du temps, qui se rééquilibre à chaque ouverture de la trompe d’Eustache lors de la déglutition ou en baillant par exemple. Le tympan reprend sa place et cela génère un petit bruit que tout-un-chacun a un jour entendu.

Si chez l’enfant cette trompe d’Eustache est étroite, elle ne s’ouvre pas aussi souvent qu’elle le devrait pour apporter de l’air à l’OM. Il s’ensuit une dépression plus importante qui aspire le tympan (tympan rétracté) et peut générer à la longue des lésions persistantes comme les poches de rétraction. C’est cette pression de l’air dans les cavités de l’OM que l’on mesure à l’aide de l’impédancemètre. Par ailleurs, ce manque de ventilation entraîne une modification de la muqueuse de l’OM qui s’enflamme et produit un exsudat qui remplit les cavités de l’OM. Ceci génère alors une perte d’audition, temporaire, dont l’importance dépend de la consistance de l’épanchement.

Plus cet épanchement dure dans le temps, plus sa consistance devient épaisse et plus le retentissement sur l’audition est important. Otite séreuse (comme de l’eau avec quelques bulles d’air visibles derrière le tympan) < otite séro-muqueuse < otite muqueuse < glue ear (épanchement presque solide, comme de la colle).

Il s’agit d’un phénomène le plus souvent passager, qui touche les enfants de 2 à 6-7 ans environ, parfois au-delà. La plupart du temps, ces enfants ont présenté plusieurs otites moyennes aigues (douleur ++ d’oreille, fièvre, parfois écoulement) dans la période d’âge 6-18 mois.

Il existe de nombreux facteurs qui influencent ce phénomène

  • L’hérédité : on retrouve plus souvent des antécédents d’otite chronique et/ou problème de végétations chez l’un des parents, voire les deux, mais pas toujours. Dans une fratrie, il peut y avoir aussi de grandes différences.
  • Les végétations adénoïdes : il s’agit d’un tissu situé au fond des fosses nasales, à côté des trompes d’Eustache, dans une cavité appelée rhinopharynx (situé derrière et au-dessus de la luette que vous voyez au fond de votre gorge entre des amygdales palatines). Ces végétations sont un tissu proche des amygdales palatines et participent au développement de l’immunité de l’enfant. A la différence des amygdales palatines, elles disparaissent après l’adolescence. Elles peuvent poser des problèmes d’obstruction respiratoire et/ou de rhinopharyngites à répétition et/ou d’inflammation chronique qui favorise le blocage des trompes d’Eustache.
  • Le terrain de l’enfant : notamment la présence d’une allergie, d’une carence en fer ou d’un reflux acide gastrique qui favorisent l’inflammation de la sphère ORL.
  • La saison : le climat joue un rôle important dans l’évolution de cette maladie. En automne-hiver il y a plus d’infections virales ORL et donc plus de stimulations inflammatoires. Le fonctionnement de la trompe d’Eustache s’en trouve dégradé, l’otite chronique s’accentue ou récidive. L’été c’est classiquement l’inverse : il y a moins d’infections, parfois un séjour à la mer qui nettoie les fosses nasales, on s’attend alors à une amélioration. 

Attention, il y a « otite » et « otite »

  • L’otite moyenne aigue est infectieuse, très inflammatoire et donc « bruyante » : elle alerte tout le monde, l’enfant a mal, pleure, a de la fièvre… mais l’évolution est le plus souvent bénigne, aidée par le traitement antibiotique.
  • L’otite chronique quant à elle n’est pas infectieuse, rarement douloureuse et la surdité qu’elle génère peut passer inaperçue si légère. Pour autant, elle peut entraîner à la longue des complications plus ou moins sévères comme des séquelles auditives, un tympan fragilisé douloureux en avion, une perforation ou encore un cholestéatome (tumeur de peau dans l’oreille) qui nécessite une prise en charge chirurgicale lourde.

Bien entendu, la période d’otite chronique peut s’accompagner d’otites aigues qui vont jouer un rôle d’alerte. Si elles sont absentes et que « tout semble bien aller », je vous conseille de rester prudents et de suivre les consignes de contrôle qui vous sont données. Une otite chronique bien prise en charge et surveillée doit la plupart du temps passer le cap sans séquelle. Les enfants souffrant d’otite chronique doivent être vus en règle par l’ORL tous les 6 mois, voire plus souvent si le problème est sévère.

En quoi consiste le traitement ?

En attendant que la croissance de l’enfant ait fait son oeuvre : l’élargissement de la trompe d’Eustache va de pair avec l’augmentation de taille de l’extrémité céphalique, on travaille essentiellement sur les facteurs de l’inflammation de la muqueuse respiratoire. En effet, cette muqueuse qui tapisse les fosses nasales et les sinus se retrouve aussi dans la lumière de la trompe d’Eustache. Lorsqu’elle s’enflamme, elle gonfle et si le diamètre de cette trompe d’Eustache est faible, elle l’obstrue.

En attendant que la croissance de l’enfant ait fait son oeuvre : l’élargissement de la trompe d’Eustache va de pair avec l’augmentation de taille de l’extrémité céphalique, on travaille essentiellement sur les facteurs de l’inflammation de la muqueuse respiratoire. En effet, cette muqueuse qui tapisse les fosses nasales et les sinus se retrouve aussi dans la lumière de la trompe d’Eustache. Lorsqu’elle s’enflamme, elle gonfle et si le diamètre de cette trompe d’Eustache est faible, elle l’obstrue.

Hygiène nasale

Le nettoyage régulier du nez (au moins 2 fois par jour même en l’absence de rhume) est fondamental. Il limite les stagnations de sécrétions sur les végétations adénoïdes et leur surinfection. L’éducation au mouchage doit être réalisée avec persuasion et douceur, aussi précocément que possible. Le reniflement, instinctif chez l’enfant, est néfaste (cf. schéma) et doit être remplacé par le mouchage doux.

Traitement médical

Prise en charge d’une allergie éventuelle (éviction allergénique si possible), d’un reflux acide à suspecter chez un enfant qui régurgitait beaucoup avant l’acquisition de la marche. Correction d’une carence martiale (manque de fer, assez fréquent, favorise les infections). Traitement dit « de fond » sur 2-3 mois, visant à réduire l’inflammation de la muqueuse. Personnellement je prescris en plus de l’hygiène nasale des antihistaminiques par voie orale et des corticoïdes en spray.

Traitement chirurgical

Si la prise en charge médicale ne suffit pas, une intervention chirurgicale peut être décidée avec la pose d’aérateurs trans-tympaniques. Ce sont de petites pièces en plastique, métal ou silicone qui sont placées dans une incision (= paracentèse) du tympan. Ils comportent un orifice qui permet à l’air du conduit auditif externe de ventiler directement l’oreille moyenne au travers de l’aérateur, remplaçant ainsi la trompe d’Eustache obstruée. Ces aérateurs (autrement appelés diabolos) sont en règle expulsés par le tympan dans un délai très variable, en moyenne 6-8 mois. L’efficacité des aérateurs est remarquable : en quelques heures l’épanchement rétro-tympanique disparaît et l’enfant retrouve toute son audition.

A cette pose d’aérateurs on associe souvent une opération des végétations adénoïdes (adénoïdectomie) surtout s’il existe une obstruction respiratoire et/ou des rhinopharyngites répétées, dans le but de diminuer l’inflammation locale une fois encore.

La plupart des enfants qui nécessitent la pose d’aérateurs n’en auront qu’une fois, parfois deux, pour passer le cap. Une minorité – les cas les plus difficiles -nécessitera 3 à 5 poses d’aérateurs, les derniers étant souvent des T-tubes en silicone. Ils ont l’avantage de rester longtemps, l’inconvénient est qu’ils s’expulsent rarement seuls et qu’ils peuvent laisser une perforation séquellaire du tympan.

Grâce à un suivi régulier, une prise en charge médico-chirurgicale adaptée, la plupart des enfants atteints d’otite chronique deviendront des adultes qui entendront normalement, pourront se baigner, plonger ou prendre l’avion sans aucun souci.